work together : la confiance
Je vous partage dans ce post des reflexions sur ma vision de la confiance dans le management, comme une pièce à casser
La définition de la confiance selon James Coleman :
Un individu est confiant s’il met des ressources à disposition d’une autre partie, en l’absence d’un contrat formel, en espérant en retirer des bénéfices
Introduction
J’ai appris à travailler avec des gens, quand bien même je ne suis pas spécialement social dans mes relations, j’aime partager, faire avancer et bien entendu progresser au contact des individus et des groupes. Mon management n’a rien d’exemplaire, il s’affine avec le temps, les expériences et les échecs, qu’ils soient personnels ou collectifs. Que l’on m’impose des axes ou qu’on me laisse un peu de place, j’aime travailler en équipe, pour un objectif commun, me mettre à la planche parfois et surtout apprendre, toujours apprendre. Une journée sans apprendre quelque chose est pour moi une journée perdue.
Dans mon relationnel avec mes collaborateurs et pairs, j’aime m’appuyer sur l’outil qu’est la confiance. Je vous livre ici quelques réflexions, non pas comme des vérités absolues, ce n’est ni mon métier ni ma prétention, mais il m’est important d’écrire et de partager pour que vous me fassiez progresser. Votre avis m’importe, surtout s’il est différent du mien. N’hésitez pas ci-après à commenter, m’envoyer des mails, ou via tout autre moyen, je prends tout.
Apprendre, clé de la réussite collective
La confiance est une des clés de la réussite, se sentir en capacité de réussir est indispensable à l’effort, au travail, à l’apprentissage. Nous qui travaillons dans des environnements informatiques très mouvants, des nouvelles technologies, des nouvelles méthodologies apparaissent en permanence et imposent donc aux collaborateurs de se former en permanence.
Sur certains sujets, il faut que l’organisation pousse les apprentissages à suivre, mais il faut aussi favoriser l’apprentissage personnel, notamment sur des sujets connexes qui auront peut-être de la valeur à l’avenir. Les organisations pivotent vite, le changement de compétence n’est pas immédiat, certains sujets nécessitent beaucoup d’investissement personnel et vous avez probablement constaté que l’on apprend de moins en moins bien avec le temps.
Certaines organisations poussent même le principe un peu plus loin en autorisant qu’une part du temps de travail soit laissé à la main du collaborateur afin de travailler un sujet qui l’intéresse. Autant ceci est difficile à mettre en place au niveau d’une entreprise, autant c’est assez simple de le mettre en place au niveau d’une équipe en modulant l’effort en fonction de la charge globale. Les résultats sont souvent encourageants car permettent d’accélérer sur certains sujets, le rythme de travail sur ces périodes étant très largement amélioré par rapport à l’ordinaire. Cela fait parti du rôle du manager que d’inciter ces types d’initiatives sur des sujets qu’il pressent intéressants à l’avenir et surtout il est important de mettre les collaborateurs en déséquilibre, pas radicalement, mais un peu. La proprioception n’est pas uniquement valable qu’en sport de haut niveau.
Un collaborateur qui en sait trop n’existe pas. Qu’il parte alors qu’on l’a formé est possible et parfois désagréable, mais former ses collaborateurs ou les inciter à le faire ne les fera pas partir, ce ne sera pas l’événement déclencheur. En revanche, si le niveau individuel n’est pas maintenu à minima sur les sujets du moment ou à très courte échéance, alors le niveau de l’équipe baissera et dans l’informatique l’érosion naturelle est tellement importante qu’il n’est pas possible de se le permettre.
Partager
Le partage de la connaissance permet d’éviter les silots. On a tout intérêt à partager ce que l’on connait, voir tout ce que l’on connait, même si naturellement on aurait tendance à faire le contraire afin de se rendre indispensable. Je suis le seul sachant donc indispensable, or il se dit que personne n’est indispensable ; et ceci se vérifie à chaque départ d’un collaborateur, seul le temps est la variable d’ajustement.
La stratégie de conservation du savoir n’a que rarement été gagnante en entreprise, et d’autant plus à notre époque ou l’information circule très vite et la connaissance est très largement disponible, en accès libre le plus souvent. La culture du partage est même largement répandue afin de montrer ses compétences, son savoir faire; pour un développeur, disposer d’un compte github avec ses publications est indispensable et souvent demandé par les recruteurs. Open data, open source, open innovation, désormais nous sommes même parfois invités par nos structures à partager hors les murs de celles-ci, il en va également de l’image d’innovation des entreprises, d’attractivité pour ses recrutements, de rayonnement auprès de ses concurrents, du marché, des investisseurs.
La confiance et l’horizontalité des relations avec ses collaborateurs doit leur permettre de se projeter autour du projet d’entreprise, mais pas uniquement. Ils doivent donc, pour certains, être attirés par la formation, souhaiter progresser sans limite et surtout sans le plafond de verre que représente leur manager. En savoir plus que son manager est une bonne chose, il n’est pas là pour en savoir plus que vous normalement. Celui-ci n’est pas censé représenter l’objectif à atteindre, il est juste un catalyseur permettant l’évolution, incitant à prendre des risques, poussant à se dépasser, supprimant les cailloux de la route, éclairant parfois la piste, recadrant avec bienveillance, corrigeant lorsque nécessaire.
L’information descendante est un vrai piège. Je suis favorable à faire circuler au plus vite l’information au maximum de personnes afin que l’éloignement ne soit pas un sujet, bien sûr il peut y avoir de la temporalité sur certaines informations et de la confidentialité sur d’autres. Je ne pense pas que cela soit une ingérence dans le travail de mes collaborateurs managers, ils ont autre chose à faire que de simplement faire descendre l’information en provenance du top management. Ils doivent d’abord mettre en perspective leur action avec le projet global, proposer des ajustements lorsque nécessaire, orienter les efforts. En poussant le principe, si ceci était fait de façon générale depuis le haut de l’organisation, la structure s’en trouverait d’autant plus horizontale. D’autant que les moyens de communication de type réseau social d’entreprise sont plutôt bien répandus ; mais quelle est l’appétence de votre manager pour cela, posez vous la question.
Contrôle
Le contrôle, notamment par les outils de pilotage est contre productif au niveau local et antinomique avec la confiance et la responsabilisation. Si un collaborateur s’engage sur une réalisation, c’est à la livraison de celle-ci qu’il sera pertinent de valider avec lui la qualité, le respect du délai, le coût ou l’effort. L’intérêt de la démonstration (au sens agile) sera primordial. Ceci est donc à manipuler avec des actions d’une durée compatible avec les risques pris, avec la vélocité du collaborateur sur ce type d’action ou de l’équipe si l’engagement est collectif. L’effet tunnel existe sur tous les sujets et parfois 5 jours est déjà un long tunnel. Le cadre méthodologique agile utilisé en gestion de projet (ou de produit) est intéressante car utilise exactement ce type de levier. On peut donc reproduire ici des principes qui ont fait leurs preuves au niveau du management.
Plus on passe de temps à piloter, moins l’équipe avance vite. En revanche, on améliore ce que l’on observe, il faut donc que les actions portent leurs propres indicateurs d’avancement, de vélocité, de qualité, mais ceci est à adapter au sujet traité. On n’est pas obligé de faire du TDD et de l’hexagonal architecture sur un petit sujet de développement annexe au core business, si ce n’est pour apprendre, se faire plaisir et progresser (peu de chance de briller en société avec ceci x-)).
En revanche, la confiance n’exclue pas le contrôle. Ici je préconise plutôt la vérification et la compréhension. Je te laisse faire comme tu veux, je t’accompagne dans l’autonomie, je t’aide si tu dérapes, mais pas systématiquement. Si tu dois tomber et que j’estime que tu ne te feras pas mal, je vais te laisser tomber. Il faut que tu délivres le bon niveau de résultat, c’est la clé. En fonction du sujet j’ajuste le niveau de contrôle, on ne gagne pas toutes les victoires, il faut parfois laisser tomber un sujet pour que l’échec apporte au collaborateur ou au groupe ; “Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort…” (Friedrich Nietzsche).
Organisation apprenante
La confiance permet aux collaborateurs qui n’ont plus peur de se tromper ni de la sanction associée, de tenter de mettre en place de l’amélioration continue (cf kaizen). En prenant en main ses propres façons de faire, on peut plus facilement les améliorer afin de réduire les frottements. Rares sont les collaborateurs souhaitant continuer à faire des choses compliquées, inutiles (à leurs yeurs) ou pénibles. Plutôt que de les laisser bougonner dans leur coin, il faut inciter les collaborateurs à proposer, améliorer, prendre des risques.
Favoriser les actions collaboratives, faire oser, faire expérimenter en autonomie les idées proposées, les innovations, les améliorations proposées, utiliser le principe du fail fast, fail often.
En revanche, il est probable que les propositions de changement trop abruptes ou trop disruptives ne seront pas automatiquement adoptées par les collaborateurs, sortir de sa zone de confort est toujours complexe et demande du temps. Le rôle du manager est donc de favoriser les petits pas et de pousser le groupe à prendre des changements de plus en plus gros en s’appuyant sur les réussites précédentes. Il peut également tenter de faire jouer la transversalité via les fonctionnements en guild ou chapter (cf Spotify).
Délégation
La confiance c’est aussi la capacité à déléguer les prises de décision aux collaborateurs les mieux placés pour les prendre (cf subsidiarité). La position dans l’organigramme ne devrait pas déterminer la précédence sur les choix, si un de vos collaborateurs est plus sachant sur un sujet (ce qui devrait en toute rigueur être assez souvent le cas), il faut alors l’écouter, lui demander de se positionner sur le sujet : “Comment ferais-tu pour résoudre ce problème ? Quelle solution proposes-tu ? Y crois-tu ? T’engages tu sur le résultat ?”. Décider à la place de ses collaborateurs nécessite des propositions d’arbitrage éclairés, il faut donc les favoriser. Suivre son collaborateur en étant convaincu du résultat est une vraie marque de confiance, non ?
Commencer par le “qu’est-ce que tu proposes ?” est toujours la bonne voie, tentez-le. Néanmoins, comme me le disait mon patron Serge : when you commit, you deliver.
Il est néanmoins parfois nécessaire de prendre des décisions pour le groupe. Notamment tout ce qui touche à l’alignement avec les décisions globales, les sujets sur lesquels on sait qu’il n’y aura pas de consensus, les sujets imposés sur lesquels ont sait à l’avance que l’adhésion des collaborateurs sera longue, les sujets en rupture totale. L’alignement de l’entreprise passe par ce genre de décision autocratique, mais nécessaire. Au même titre que le product owner dans une méthode agile prend des décisions pour son produit parfois sans concertation avec son équipe de fabrication, le manager peut être amené à prendre une décision unilatéralement. Le ratio entre ces dernières et l’autonomie laissée au groupe permettra d’autant plus de faire passer les premières lorsqu’il est favorable aux secondes.
Echanges
J’aime particulièrement profiter des échanges pour apprendre et mieux mettre en perspective le travail et les réalisations de mes collaborateurs. On ne peut pas être expert en tout, mais il faut quand même un minimum de vernis pour bien apprécier, anticiper, orienter, défendre, proposer, arbitrer lorsque nécessaire.
Sur certains sujets, il faut creuser et aller profond, ceci permet de se remettre en question, de comprendre mieux les difficultés de ses collaborateurs qu’ils auront tendance à cacher car ils estiment que c’est normal, l’abnégation est souvent importante dans un groupe. Lorsque l’on impose une action au collectif, il est de bon ton de la réaliser soi-même, si le sujet est pointu techniquement, on pourra aller moins loin, mais il est important d’en comprendre les impacts, les difficultés et d’avoir un ressenti. De plus, c’est souvent apprécié des collaborateurs d’avoir un manager qui mouille la chemise. Attention, on ne se substitue pas aux autres, on ne fait pas leur travail, même si on sait le faire et parfois mieux.
John von Neumann
“Quand vous mettez une machine en route, elle commence à se dégrader, quand vous mettez un homme en route, il commence à s’améliorer”
On peut utiliser et favoriser l’usage des principes de feedback (positif et correctif), il permet de progresser par l’échange et induit le changement et la découverte de soi. Accepter celui-ci, notamment d’un collaborateur fait progresser à toute vitesse.
Conclusion
On ne peut pas réellement conclure sur le sujet de la confiance, beaucoup d’ouvrages sont disponibles, beaucoup d’écrits, beacoup de formations, notamment par de gens éminents, mais l’expérience est à partager, c’est ce que j’ai tenté ici, modestement. La fréquentation de ce blog étant principalement tiré par la techno, je ne suis pas trop inquiet de l’exposition et du risque que je prends en écrivant ces lignes, peu importe, ceux qui me connaisse pourrons partager leur vision.
Vous qui êtes arrivés jusqu’ici, je vous en remercie, un petit commentaire par n’importe quel moyen, un partage également, j’y serais très attentif.
Bibliographie
- James Samuel Coleman
- La France : une société de défiance ?
- Why You Shouldn’t Underpromise and Overdeliver
- Apprenance
- Fail Fast / Martin Fowler
- fail fast, fail often
- Kaizen
- Les 7 clés de la confiance en management
- Exploring the Hexagonal Architecture
- Agile Team Organisation: Squads, Chapters, Tribes and Guilds
Photo from Kody Dahl